Ma Proche Banlieue, Patrick Zachmann

Posted on 31 décembre 2010

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Il a photographié une dizaine de jeunes issus des quartiers nord de Marseille… A vingt ans d’intervalle. Souvenirs.

« En 1984, l’association Faut voir propose à dix photographes de travailler dans dix villes. Je choisis Marseille parce que je m’intéresse depuis toujours au thème de l’immigration, aux problèmes d’identité. En effet, quelques années auparavant, j’ai commencé une enquête photographique sur mes origines juives et ma famille qui s’étalera sur sept ans. Le fruit de cette investigation sera publié dans un livre (Enquête d’identité, un juif à la recherche de sa mémoire), sorti en 1987. Marseille est donc mon premier travail sur l’immigration, en dehors de ma propre histoire.

J’ai alors onze stagiaires sous ma responsabilité : des jeunes, tous en difficulté à un niveau ou à un autre et, pour la plupart, issus de l’immigration (maghrébine, sénégalaise, asiatique…). C’est une double mission. Je dois animer un stage de photographie, non pas pour qu’ils deviennent photographes, mais pour les aider à s’emparer de ce moyen d’expression. Parallèlement, je fais un reportage sur la jeunesse. Je décide de suivre mes adolescents dans leur vie quotidienne, chez eux, dans leurs familles… Une démarche très intimiste. Ils me voient comme leur professeur, plutôt que comme un photographe. Le projet devait durer six mois, mais finalement, ce travail se poursuit durant un an, car il est passionnant.

Les années ont passé et j’ai pris conscience que les médias traitent massivement de la banlieue, en parlant toujours « des jeunes », comme s’ils étaient tous pareils, interchangeables d’une génération à une autre, et qu’ils ne vieillissaient jamais. On montre rarement les quadragénaires des cités. Je me suis dit que mes stagiaires devaient avoir une quarantaine d’années aujourd’hui et que si je les retrouvais, j’aurais la possibilité de montrer comment ils ont grandi et évolué, ce qu’ils sont devenus. Je suis donc parti à leur recherche, plus de vingt ans après ma première mission.


Sur ce diptyque, je donne rendez-vous à Chérif, Yahia et Hocine à la cité Bassens pour les photographier à la « terre rouge ». Nous montons sur le terrain vague, juste derrière la cité. Yahia, le plus motivé par ce retour en arrière, me montre des points de repère inchangés. C’est une sensation forte de retrouver le décor de photos prises il y a si longtemps. Les trois copains reprennent la pose. Un autre jeune de la bande, Hacène, me disait : « La terre rouge, c’est un terrain vague, une montagne comme on dit. Avant, quand on était minot, on allait jouer là. On y passait tous les matins et tous les après-midi pour aller au stage. Sur la photo, c’est beau. En réalité, vous y trouverez les égouts, la merde. » Aujourd’hui, Chérif travaille à la Friche La Belle de Mai, Yahia est devenu agent de sécurité et Hocine est conseiller à la mission locale d’insertion du 15ème arrondissement de Marseille. »

Le photographe

Ses influences : Diane Arbus (pour son livre sur les marginaux), Brassaï, Robert Franck et William Klein.

Son parcours : Né en 1955, il est photographe autodidacte. En 1990, il devient membre de la célèbre agence de photographie Magnum.

Ses sujets favoris : L’identité, la mémoire, l’intégration et l’immigration.

Pour Arts Magazine, septembre 2009, à l’occasion de l’exposition de Ma Proche Banlieue de Patrick Zachmann à la Cité nationale de l’histoire de l’immigration, Paris 12ème. Ce projet a également fait l’objet d’un libre éponyme, aux éditions Xavier Barral. On retrouve dans ce livre un documentaire très touchant du photographe retournant à la rencontre de ses jeunes, plus de vingt ans après.

Pour en savoir plus :
Quartiers Nord de Marseille
envoyé par MAGNUM-PHOTOS. – Regardez plus de courts métrages.

Propos recueillis par Margaux Duquesne

Posted in: Zachmann Patrick