Le regard impitoyable de Martin Parr

Posted on 26 décembre 2010

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Entre photos et collections, le Jeu de Paume recrée l’univers acide du photographe.

Jet-setter ou touriste, prenez garde à Martin Parr ! Son objectif ne vous loupera pas… Derrière leur aspect cocasse, les images de ce photographe britannique se révèlent toujours très critiques sur la consommation, le tourisme de masse, le monde du luxe, etc. Cet été, le Jeu de Paume et une partie du jardin des Tuileries consacrent une exposition ce membre, depuis 1994, de la prestigieuse agence Magnum. L’occasion de voir comment cet agitateur a su imposer, avec ses cadrages inhabituels et ses couleurs vives, son regard profondément ironique sur l’être humain dont il dissèque les comportements sans relâche, à la manière d’un anthropologue, comme il se définit lui-même.

© Martin Parr – Pisa, Italy, 1987-94

On découvre à la fois ses images, mais aussi ses différentes collections : cartes postales, livres de photos… Et des vitrines entières d’objets (environ 200), dénichés aux puces, sur eBay ou qui lui ont été donnés : une cible pour fléchettes à l’effigie de Margaret Thatcher, une montre Saddam Hussein, un paquet de chips Spice Girls, un slip Obama, etc. Selon Marta Gili, directrice du Jeu de Paume commissaire de l’exposition, « l’accumulation démesurée de ces objets provoque la même angoisse que ses photos montrant l’absurdité de la condition humaine. » On rit beaucoup, mais un peu jaune.

Flasher le « clinquant »

Martin Parr infiltre les grands évènements mondains, comme ce bal de charité, à Hollywood. Il dit observer la jet-set comme d’autre observe la pauvreté. « Ma démarche est politique. Je photographie l’argent, le luxe, mais je montre aussi les excès de cette petite caste qui domine le monde », déclare-t-il.

Traquer le kitsch et le mauvais goût

C’est à se demander si certaines de ces photographies ne sont pas truquées ou mises en scènes. Il n’en est rien ! Le monde que Martin Parr regarde suffit à lui offrir les images les plus invraisemblables. Gros plan peu flatteur, zoom sur une manucure ratée, visiteur assorti à un tableau…  Notre britannique à le souci du détail qui tue. De l’ironie ? L’artiste explique vouloir juste « photographier ses contemporains ». On a comme un doute.

Pointer le ridicule de M. Tout-le-Monde

Cette plage artificielle japonaise, à quelques kilomètres d’une vraie plage, illustre l’absurdité de l’existence humaine. Pour Martin Parr, le « touriste » est un individu privé de liberté dans sa façon de se vêtir, de voyager, de se faire plaisir. Il va à la découverte de ce qu’il connaît déjà. Les clichés de sa série « Small World ! » (« Quel Monde ! »), exposés au Jeu de Paume, critiquent aussi les photos stéréotypées des touristes.

© Martin Parr – Japan. Miyazaki. The artificial beach inside the ocean dome. Série « Small World ! », 1996

La caverne de Martin Parr

Comment trouve-t-il ses trésors ? « Avant, je me déplaçais aux puces. Maintenant, j’utilise eBay au moins deux fois par semaine. C’est une véritable drogue ! » Étalage de bibelots à l’effigie de « stars » démodées (Thatcher, Spice Girls, Gagarine…) : ce qui intéresse le photographe, c’est le glissement de sens. Un mug Margaret Thatcher, plutôt anodin à l’époque, semble vide de sens aujourd’hui. « Spectres des manies humaines », selon l’artiste, ses objets d’habitude entreposés dans des caisses chez lui, à Bristol, sont dispersés ailleurs au fur et à mesure, par manque de place. Ces babioles qui, à première vue, n’ont pas leur place dans une exposition, nous permettent d’accéder à ce drôle d’univers qui inspire Martin Parr.

© Chris Boot Ltd

 

 

Margaux Duquesne, pour Arts Magazine, juillet 2009, à l’occasion de l’exposition de Martin Parr au Jeu de Paume, à Paris.

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