Les Kurdes de Tarlabasi

Posted on 22 janvier 2012

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Guillaume Poli, photojournaliste de 33 ans, porte une attention particulière aux phénomènes migratoires et aux minorités. Récemment, il a effectué un reportage sur les kurdes, qui représentent 25% de la population en Turquie. Rencontre avec l’auteur de « Tarlabasi, la face cachée d’Istanbul » .

Dondu est née en 1941 à Sivas dans le nord-est de la Turquie. A cause du conflit armé entre les Kurdes et les Turcs, elle a été obligée de quitter sa ville natale avec sa famille et a rejoint Istanbul en 1984. Sur ses sept enfants, sa fille Dilek et son fils Yusuf ont rejoint la guerrila est 1994. Dilek a été tuée un an après. Yusuf a perdu la vie en 2000. Malgré tout, elle veut croire en une paix au Kurdistan. © Guillaume Poli

De quoi parle exactement ce reportage ?

Dispersés entre Turquie, Irak, Iran et Syrie, les kurdes représentent la plus grande minorité sans pays, dans le monde. A Istanbul, ils sont une minorité gênante et sont confrontés à une discrimination importante. Ils n’ont accès qu’à des emplois peu qualifiés. L’Etat turc a interdit l’enseignement de la langue kurde à l’école et les adultes subissent une forte pression sociale pour qu’ils ne parlent que le turc.

Tarlabasi, Istanbul – Juillet 2011. Meeting du parti pro-kurde légal (BDP). Certains manifestants brandissent des drapeaux aux couleurs du parti pro-kurde indépendantiste (PKK), interdit depuis 1993. © Guillaume Poli

Je me suis rendu à Tarlabasi, dans le plus grand quartier kurde d’Istanbul, à cinq minutes de l’avenue Istiklal considérée comme les Champs Elysées d’Istanbul… Dans cette poche de pauvreté qui est vouée à la « gentrification », les expulsions planent sur les habitants et c’est une vie de quartier qui est mis en péril au nom du tourisme de masse, pour des raisons économiques et politiques.

Tarlabasi, Istanbul – Juillet 2011 © Guillaume Poli

Avez-vous rencontré des difficultés pour la réalisation de ce sujet ?

L’accès au quartier de Tarlabasi n’est pas très compliqué, même s’il est un des moins touristiques d’Istanbul. Le plus difficile a été d’aller au delà de la surface des choses et de rendre compte des conditions de vie et de travail des habitants du quartier, ainsi que des raisons qui ont poussé à l’exil ces « migrants de l’intérieur ». Une grande partie de mon temps fût donc consacré à négocier l’accès aux maisons, aux ateliers de confection, aux manifestations politiques… Celà n’aurait pas pu se faire sans Ilhan mon fixeur qui m’a ouvert bien des portes.

Tarlabasi, Istanbul – Juillet 2011 © Guillaume Poli

Et puis il y a bien sûr les contraintes de budget et de temps. Faire un reportage coûte assez cher, surtout à l’étranger (transport, hébergement, nourriture, fixeur etc.). Il faut aussi choisir un angle intéressant donc se fixer une limite dans le traitement du sujet. En règle générale, je traite du quotidien et je me méfie des images trop caricaturales, ou symboliques, même si par essence une photographie est une réduction du réel.

Tarlabasi, Istanbul – Juillet 2011. Ilhan (sur la gauche) a été attaqué par des nationalistes turcs devant le bureau du parti pro-kurde légal. Cet incident renforce sa volonté de faire avancer le droit des kurdes en Turquie. © Guillaume Poli

Site de Guillaume Poli : http://guillaumepoli.viewbook.com

Propos recueillis par Margaux Duquesne

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