Photo de presse : la mort en face est-elle utile ?

Posted on 21 novembre 2013

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Certains journaux en publient plus fréquemment que d’autres : les photographie de cadavres, dans la presse, peuvent choquer le public, si elles ne sont pas publiées avec précaution, voire floutées, si besoin. Selon la loi, le corps d’une personne doit toujours être traité avec dignité, en souvenir de son humanité.

cadavre-d-hommeHier, la rubrique « Faits divers » du Parisien raconte la triste histoire d’une bruxelloise septuagénaire qui a dormi tous les soirs, pendant plus d’un an, aux côtés du cadavre momifié de son mari. L’histoire elle-même suffit à soulever le cœur avec ses détails scabreux : « L’homme de 73 ans, a priori décédé de mort naturelle, s’était momifié au milieu des insectes. » Le journaliste se focalise sur le phénomène de momification du cadavre « étonnement bien conservé ».

L’article est illustré par une capture d’écran du site belge La Dernière Heure, qui a publié l’information : le cadavre est ici montré encore plus explicitement.

Ces photographies, au-delà du malaise immédiat qu’elles nous procurent, appellent à se demander s’il est vraiment utile de les publier pour raconter cette information.

Juridiquement, l’article 1_1_1 du Code civil dispose que « le respect dû au corps humain ne cesse pas avec la mort ». Le cadavre, même s’il n’est plus considéré comme une personne mais comme une chose, doit cependant être toujours traité avec dignité en mémoire de son humanité. La photographie de cet homme momifié était-elle vraiment utile à l’article ? Sa dignité est-elle atteinte dans cette posture ?

Evidemment, la presse ne doit pas se passer de publier ou diffuser à la télévision des images de cadavres puisque ces images sont en elle-même, parfois, des informations à part entière, certaines ayant un caractère plus politiques que d’autres, comme la photographie du colonel Kadhafi lors de sa mort. On se souvient aussi de la photographie du cadavre de Ben Laden que Barack Obama avait dit ne pas vouloir publier, par peur de « risque pour la sécurité nationale ».

Cependant, certaines règles existent dans les rédactions, comme « ne pas publier des photos de cadavres si leurs visages sont visibles » ou encore « ne pas publier de corps d’enfants ». Même si elles sont toutes encadrées par la loi en terme de droit à l’image, chaque rédaction fait selon sa propre pudeur, selon sa ligne éditoriale. La Croix n’a par exemple pas la même politique iconographique que Paris Match, cela va sans dire. Par respect, un grand nombre d’entre elles optent pour le floutage, pour cacher le(s) corps tout en continuant d’informer.

Aristote[1] disait que « nous prenions plaisir à contempler les images les plus exactes de choses dont la vue nous est pénible dans la réalité, comme les formes d’animaux les plus méprisés et des cadavres ». C’est l’interprétation esthétique de la catharsis. Notre curiosité nous invite à vouloir voir le corps cet homme qu’on nous qualifie de « momifié », dans cet environnement sec et chaud.  Pourtant, dans la vraie vie, il est fort probable que la plupart d’entre nous aurait détourner le regard.

Google Earth : la mort vue du ciel

Le 15 août 2009, le corps de Kévin Barrera, 14 ans, est retrouvé sans vie, près d’une voie ferrée, à Richmond, en Californie. L’affaire n’a jamais élucidé. Ces faits remontent à quatre ans, et pourtant, le père de la victime, Jose Barrera, vient de découvrir une image satellite, sur Google Maps, où apparaît la dépouille de son fils. Il a immédiatement demandé le retrait de ce cliché au moteur de recherche : « Quand je vois cette image, c’est comme si cela s’était passé hier. Cela me rappelle plein de souvenirs. Je suis sous le choc », a-t-il annoncé au micro de la chaîne américaine KTVU.

Brian McClendon, le vice-président de Google Maps a promis ce lundi que l’image serait retirée d’ici huit jours, expliquant que ce cas reste exceptionnel (probablement pour éviter une longue liste de demande de retrait d’image de Google Maps dans les mois à venir) : « Google n’a jusqu’à présent jamais accéléré le remplacement de ses images satellites, mais étant donné les circonstances, nous allons faire une exception ».

En avril dernier, aux Pays-Bas, des images sanglantes capturées par Google Earth avait déjà fait polémique : une vue aérienne d’un ponton, dévoilant une trainée rougeâtre (du sang ?) et un masse en bout de trace (un corps ? un chien ?). Quelques jours suffisent à résoudre le mystère. Les traînées foncées en seraient en fait que de l’eau laissée par un chien. C’est le propriétaire du toutou, qui, alerté par le bruit de la toile, aurait rétablit les faits, selon le Sun.

Margaux Duquesne


[1] Aristote, Poétique, Les Belles Lettres, Paris, 1990, p. 89.

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